jeudi 17 mai 2012

Réflexions sur l'homoparentalité

Je n'ai pas encore pris le temps de mettre en colonne de droite la liste des blogs que je lis avec assiduité. Il faut vraiment que je le fasse. Un des blogs que je suis depuis très longtemps (début 2006, de mémoire) est celui de Koz Toujours. Je ne suis pas toujours sur la même ligne, mais ses billets sont toujours intéressants à lire.

Je le suis aussi sur Twitter, où il a hier relayé un appel contre l'homoparentalité. Nous avons engagé le dialogue sur cette plateforme (j'ai regroupé la conversation ici si cela vous intéresse) mais le manque de place s'est rapidement fait sentir, et comme je comptais de toute façon poster quelque chose sur le sujet, je saisis l'occasion de le faire maintenant.

Il n'est pas surprenant que des personnes soient opposées à l'ouverture du mariage et/ou de l'adoption aux couples homosexuels. J'ai par contre parfois un peu mal à comprendre leurs arguments, comme c'est par exemple le cas de cet appel.

L'appel considère, et c'est la base de leur opposition, qu'avoir un père et une mère est un droit fondamental de l'enfant, et que l'homoparentalité constitue une discrimination. Plus qu'un droit, avoir un père et une mère serait même un besoin fondamental.

En quoi est-ce un besoin fondamental ? Qu'apporte un parent d'un sexe donné que l'autre sexe ignorerait et serait incapable d'offrir ? J'aimerais savoir. Si quelqu'un a la réponse, les commentaires sont ouverts.

Supposons un instant qu'il est essentiel d'avoir un père et un mère. Que fait-on des familles monoparentales ? Certes, ce n'est pas toujours un choix (j'ai vécu en tant qu'enfant un exemple forcé de cette configuration), mais il y aussi des femmes qui choisissent d'avoir un enfant seule. Difficile de savoir leur proportion parmi les mères célibataires, mais j'en connais plusieurs donc je suis au moins sûr d'une chose : elles existent. Faut-il leur interdire d'avoir un enfant ? Si on suit le raisonnement de l'appel, elles privent leur enfant d'un droit fondamental.

Que faire du droit à l'adoption pour les célibataires ? Eux aussi sont mal équipés pour répondre, selon les termes de l'appel, au besoin fondamental de leur enfant.

Voici ce que nous pouvons lire : "Cet appel vise à protéger les enfants contre la privation délibérée d’un père ou d’une mère, sans pour autant stigmatiser les personnes homosexuelles".

L'adoption par les célibataires est-elle une privation délibérée d'un père ou d'une mère ? Par définition oui, et il faut donc être cohérent. Il n'y a que deux options : avoir un père et une mère est indispensable, ou ne l'est pas.

On me répond que les choses peuvent se passer tout à fait bien dans une famille monoparentale, mais que cela n'en fait pas pour autant la meilleure possibilité. Cela mériterait de se pencher sur ce qui permet de hiérarchiser les structures familiales (sur quels critères, par exemple?), mais admettons que cela soit exact, et que la solution ne soit pas pas si bonne.
Elle est quand même assez bonne pour ne pas être remise en cause par l'appel.

L'appel prend le parti de se placer sur le terrain des valeurs, des droits fondamentaux. Je suppose donc que les choix ne sont pas purement stratégiques.
Peut-on donc en conclure que les rédacteurs et les signataires de l'appel acceptent le principe des familles monoparentales, notamment par choix (grossesse solitaire ou adoption) ?

L'adoption par une personne célibataire est légale, que la personne soit un homme ou une femme (même si en pratique le premier cas est largement plus rare). La société reconnait donc qu'être élevé par le représentant d'un seul genre est acceptable.

Si un parent seul peut élever un enfant de façon suffisamment bonne, sur quels critères peut-on dire donc que deux parents ne seraient pas à la hauteur ?

Prenons quatre cas : un couple hétérosexuel, un homme célibataire, une femme célibataire, un couple homosexuel.

Pourquoi le dernier cas est-il jugé inopportun ?
Ce n'est pas une question de nombre. Il y a deux personnes, comme dans le premier cas.
Ce n'est pas un question de genre. Il n'y a que des femmes, comme dans le troisième cas, ou que des hommes, comme le deuxième cas.
Quel est donc la seule différence ?

Quand on qualifie une structure familiale précise de droit fondamental, il faut assumer jusqu'au bout. L'appel n'a de sens que s'il rejette explicitement toute adoption qui n'est pas fondée sur le principe d'une famille avec un père et une mère. Cela serait peut-être moins populaire, mais cela serait plus cohérent.

Pour ma part, je pense qu'un enfant peut s'épanouir dans les quatre cas et, si on suppose que les futurs appels seront plus cohérents, c'est bien là que se situera le coeur du débat.

De quoi un enfant a-t-il besoin ? Je passe sur les besoins matériels (alimentation, etc.), car il est évident qu'aucun des quatre cas ne met l'enfant en difficulté sur ces questions. Un enfant a aussi besoin d'amour mais, là encore, il ne serait pas sérieux de penser qu'un des cas représente par nature un déficit affectif. L'autre élément essentiel est l'éducation (dans tous les sens du terme), mais pourquoi un parent d'un sexe donné serait forcément plus efficace qu'un parent du sexe opposé ?

Je lis aussi parfois que l'homoparentalité n'est pas légitime, car elle n'est pas naturelle. Deux femmes ne peuvent pas avoir d'enfant ensemble, et elles ne devraient donc pas avoir le droit d'en élever un ensemble.

C'est faire un raccourci entre la nature et l'organisation de nos sociétés. S'il s'agit vraiment d'invoquer la loi naturelle, regardons par exemple les animaux, et les nombreux exemples où les jeunes sont élevés par des groupes de femelles. Procréation et éducation sont strictement séparées, et cela ne semble pas perturber leur développement.
On en viendrait presque à regretter que les lionnes ne couchent pas ensemble, pour en finir avec les doutes sur l'homoparentalité.

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