mardi 22 mai 2012

Le vote unique transférable aux législatives

De la même manière que je l'avais fait pour le scrutin présidentielle avec le vote alternatif, je saisis l'opportunité de la campagne législative pour aborder la question du mode de scrutin pour cette élection à travers l'exemple irlandais.

Le principe est assez proche de celui du vote alternatif : au lieu de voter pour un seul candidat, on indique son candidat préféré, mais aussi son deuxième choix, son troisième choix, et ainsi de suite. La principale différence est que, au lieu d'élire une seule personne, il y a plusieurs sièges à pourvoir par circonscription.

Le nombre de voix à obtenir pour être élu est donc différent. Il ne faut plus 50% +1 voix, mais il faut atteindre une voix de plus que le total des suffrages exprimés divisé par le nombre de sièges à pourvoir plus un. (Cette formule est en fait une extension de la première)

Le décompte se déroule ensuite par décomptes successifs, selon la méthode suivante :
  1. Si un candidat a obtenu suffisamment de voix, il est élu.
  2. Si ce candidat a plus de voix que nécessaire, le surplus est transféré aux autres candidats en fonction des préférences indiquées sur les bulletins de vote.
  3. Si aucun nouveau candidat n'atteint le niveau suffisant pour être élu, le candidat ayant réuni le moins de suffrages est éliminé, et les voix qu'il a obtenu sont transférées.
  4. Le processus se répète jusqu'à ce qu'un vainqueur ait été déclaré pour chaque siège ou jusqu'à ce que le nombre de candidats restant en lice soit égal au nombre de sièges encore vacants.
A titre d'exemple, regardons les résultats de l'élection de 2007 dans la circonscription de Dublin-Central (où j'habitais à l'époque). Il y avait eu 34,639 suffrages exprimés, pour quatre sièges à pourvoir, et le quota à atteindre était donc de 6,928 voix. Le tableau ci-dessous résume les décomptes des voix. Les candidats y sont classés en fonction des suffrages reçus au premier décompte, et ceux qui ont été élus sont notés en gras.

Le "poids-lourd" de la circonscription était bien entendu Bertie Ahern, à l'époque encore Premier Ministre, et il a été élu dès le premier décompte, avec presque 6,000 voix de plus que le quota requis. On peut noter que, même il aspire presque toutes les voix de son parti en premier choix, le transfert s'effectue ensuite bien vers ses collègues, et Cyprian Brady est lui aussi élu, au huitième décompte. A l'inverse, Pascal Donohoe n'a que peu de soutiens et ne parvient pas à être élu malgré un bon score initial. (Pour l'anecdote, les choses ont bien changées lors des élections de 2011 : Donohoe a été le premier candidat élu, au deuxième décompte, et Brady éliminé avec seulement 1,753 voix au bout du cinquième décompte)


Candidat Parti Dcpt 1 Dcpt 2 Dcpt 3 Dcpt 4 Dcpt 5 Dcpt 6 Dcpt 7 Dcpt 8
Bertie Ahern Fianna Fáil 12,734






Tony Gregory Indépendant 4,649 5,453 5,622 6,062 6,799 7,385

Joe Costello Labour 4,353 4,793 4,870 5,028 5,809 6,073 6,205 8,018
Paschal Donohoe Fine Gael 3,302 3,441 3,548 3,600 3,896 4,147 4,216 4,556
Mary Lou Mcdonald Sinn Féin 3,182 3,471 3,519 3,744 3,948 4,120 4,178
Patricia McKenna Green Party 1,995 2,116 2,221 2,294



Mary Fitzpatrick Fianna Fáil 1,725 3,087 3,236 3,330 3,447


Cieran Perry Indépendant 952 1,058 1,133




Cyprian Brady Fianna Fáil 939 3,342 3,510 3,554 3,616 5,608 5,764 6,348
Paul O'Loughlin Christian Solidarity 260 269





Patrick Talbot Immigration Control 239 253





Jerry Hannon Progressive Democrats 193 226





Alan Beirne Fathers Rights 116 202







Ce type de scrutin permet une plus grande représentativité des tendances politiques présentes dans le pays. D'une certaine manière, le but est assez proche de celui qu'aurait l'introduction d'une dose de proportionnelle dans le système français mais ce type de scrutin a l'avantage de conserver l'ancrage local des élus, qui est perdu dans le cadre d'une proportionnelle au niveau national.

On peut noter que la "proportionnalité" du scrutin dépend du nombre de sièges par circonscription. Plus il est faible, plus il faut de voix pour être élu, et cela favorise nécessairement les gros partis. Cela ne leur a pas échappé, et il y a eu une tendance à augmenter le nombre de circonscriptions à trois sièges. Cela a été relevé dans un rapport parlementaire de 2010 qui, pour favoriser la pluralité, la parité hommes-femmes et la représentation des minorités, a recommandé que toutes les circonscriptions aient au minimum quatre sièges, sauf en cas de difficultés géographiques (qui rendraient la circonscription trop étendue). Suite au dernier redécoupage, il y a 17 circonscriptions avec trois sièges, 15 avec quatre sièges et 11 avec 5 sièges, pour un total de 166 députés.

Si la Ve République devait un jour être réformé, j'espère que la mise en place d'un scrutin de ce type serait étudiée.

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