Ça y est, le débat est derrière nous. Il a été long (presque trois heures), il a été plutôt rude, et tout le monde se demande maintenant si il changera quelque chose au résultat final. Une autre activité de ce matin est de décrypter les petites phrases, de vérifier les chiffres. J'y reviendrai dans un prochain billet.
Si je devais faire un pronostic, je dirais que le débat n'aura pas changé grand chose.
François Hollande a sans doute froissé de nombreux écologistes quand il a parlé de l'accord avec EELV et des centrales nucléaires, mais ceux-ci sont suffisamment opposés à l'actuel Président pour quand même aller voter Hollande. Les tensions ressurgiront plus tard.
De son coté, Nicolas Sarkozy a probablement gagné quelques voix très à droite avec le passage sur le vote des étrangers, mais ce genre d'amalgame lui en a probablement couté autant au centre, et je ne pense pas que le solde soit positif.
Ce passage mérite d'ailleurs qu'on s'y attarde. J'aimerais le qualifier de dérapage, mais je pense qu'il était malheureusement planifié, (il suffit par exemple de regarder du coté du dernier clip de campagne et du panneau douane écrit en arabe, comme par hasard). Le glissement est net. Il ne parle plus de vote des étrangers, mais de vote communautariste de musulmans. Apparemment, tous les étrangers viennent d'Afrique du Nord, et tous sont croyants. Pas d'athées, pas d'immigration asiatique (par exemple), et surtout pas d'individus capables de raisonner par eux-mêmes et de faire des choix en fonction de l'intérêt général. Non, dans les propos de Nicolas Sarkozy, l'étranger est un dangereux musulman, et il ne faut donc pas lui donner le droit de vote. Au passage les français de confession musulmane ont dû apprécier...
Le plus ridicule dans cette argumentation est de finir en disant qu'un étranger présent sur le territoire depuis plusieurs années n'a qu'à demander la nationalité française. Je voudrais bien qu'on m'explique en comment cela ferait disparaitre le risque communautariste agité plus tôt dans la conversation. Soit on considère qu'un résident étranger est suffisamment intégré pour avoir le droit de vote sans que cela ne pose de risque, soit on assume la vision contraire jusqu'au bout, et on ne lui donne pas la nationalité (qui implique le droit de vote).
Selon les chiffres de l'INSEE, il y a presque 600,000 portugais en France. Il y a aussi 650,000 marocains, mais apparemment selon Nicolas Sarkozy ces derniers seraient beaucoup plus inquiétants. Pourtant, on pourrait dire que portugais, irlandais et polonais sont très croyants (quitte à généraliser, allons-y), et assez nombreux en France. Sur ces trois pays, deux n'ont pas légalisé l'avortement, et le Portugal ne l'a fait qu'en 2007. Il ne me semble pas avoir entendu dire que donner le droit de vote à ces étrangers-là risquait d'entrainer une dérive communautaire et par exemple une remise en cause du droit à l'avortement en France. On constatera d'ailleurs qu'ils ont le droit de vote (merci l'Europe!) et que cela n'a pas posé de problème.
Je ne suis pas spécialement un fan de François Hollande (je suis neutre vis-à-vis de l'individu et partagé sur le programme), et je n'attends pas forcément des merveilles de son probable quinquennat, à part sur quelques points précis comme le mariage pour tous. Une chose est claire, par contre. Il est absolument certain que je ne voterai pas pour quelqu'un qui tient des propos tels que ceux de Nicolas Sarkozy sur les étrangers. Comme je l'ai dit sur Twitter, je garde espoir que cette campagne d'entre deux tours ne reflète pas la réelle vision de la majorité des hommes et femmes politiques de droite mais en attendant d'y voir plus clair, il faut bien faire un choix.
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