mercredi 30 mai 2012

En route vers l'Euro 2012 !

Fin prêt pour le Championnat d'Europe de football :

Si vous me suivez depuis suffisamment longtemps (sur Twitter ou sur mon autre blog), vous savez que j'aime le sport, aussi bien en tant que pratiquant (rappelez-vous par exemple Project Biwa) qu'en tant que spectateur (regardez notamment les photos que j'ai postées ici ou ).

La saison de rugby touche à sa fin. C'est déjà le cas pour mon équipe (Leinster, encore une fois champion d'Europe, bravo à eux), et le décalage horaire va m'empêcher de suivre de près la tournée estivale du XV d'Irlande (trois matchs chez les All Blacks). Il ne me reste donc plus que la fin du Top14, en espérant que l'ASM aille au bout.

La saison de baseball suit son cours au Japon, mais entre le décalage horaire et les choix désespérants du nouveau coach de mon équipe (les Hanshin Tigers), il n'y a pas de quoi s'emballer pour le moment.

En attendant les Jeux Olympiques, l'autre évènement sportif à ne pas louper est donc le Championnat d'Europe de football. A J-9, je suis fin prêt !


Qui soutenir ?

Français habitant en Irlande, je suis confronté à un dilemme. Qui soutenir ? Le pays de ma famille et de mon enfance, dans lequel je ne vis plus depuis des années mais auquel je reste attaché (ce blog en étant par exemple la preuve), ou le pays dans lequel je suis installé, dans lequel mon premier enfant va naitre et dans lequel je me vois plus tard vieillir ?
Ce n'est pas simple...

J'y reviendrais peut-être d'ailleurs plus tard : on a un regard différent sur les polémiques récurrentes sur les drapeaux et autres sujets sensibles, quand on est soi-même immigré.

Bref, pour revenir au sport, il me faut choisir. Le hasard ayant bien fait les choses, les deux équipes ne sont déjà pas dans le même groupe.

Pour le rugby, il n'y aurait pas eu de doute. Je supporte l'Irlande depuis très longtemps (l'époque où leurs résultats étaient franchement mauvais), avant même de m'installer à Dublin. En partant de cette base, j'ai décidé de soutenir en priorité l'Irlande, tout en souhaitant bien sûr à la France de faire le meilleur parcours possible. La question du choix se posera peut-être les deux équipes s'affrontent. Vu le tirage, ce serait soit en quart de finale (ce qui est possible), soit en finale (ce qui est beaucoup moins probable).

Il faut aussi être honnête et admettre que l'Irlande a aussi un net avantage en ce qui concerne l'ambiance. Fermez les yeux, imaginez-vous dans un pub, une Guinness à la main, et écoutez la chanson officielle des supporters pour ce tournoi. Comment ne pas soutenir l'équipe après ça ?!



Ça ne va pas être facile :

Soutenir l'Irlande est une chose, mais l'équipe a-t-elle la moindre chance dans ce tournoi, ou est-ce que je me suis engagé dans une série de déceptions annoncées ? Un rapide coup d’oeil au groupe C a en effet de quoi faire peur.

Le premier adversaire de l'Irlande est la Croatie, qui est classée 8e au classement FIFA et 10e au classement Elo. Si on regarde le classement de l'Irlande (18e avec les deux méthodes), on comprend que l'équipe ne sera pas en position de force. Et pourtant, beaucoup semblent penser que ce sera le match le plus à leur portée.

Cela se comprend quand on sait que le match suivant est contre l'Espagne, championne du monde, championne d'Europe en titre, et première des deux classements internationaux. On a connu adversaire plus facile...

Si l'Irlande est encore en course pour la qualification au moment d'aborder son dernier match, il faudra obtenir un bon résultat contre l'Italie. Les italiens ne sont pas forcément au mieux de leur forme, par rapport à leurs standards habituels, mais ils restent 12e au classement FIFA, et 11e du classement Elo.

Il faudrait donc un exploit pour que l'Irlande arrache un des deux premières places du groupe et se qualifie pour les quarts. Est-ce possible ?


Les raisons d'y croire :

Pour se qualifier à l'Euro, l'Irlande a d'abord fini deuxième de son groupe derrière la Russie. Au cours des qualifications, l'Irlande n'a perdu qu'un seul match (3-2 à domicile contre la Russie, en octobre 2010), pour six victoires et trois nuls. A titre informatif, le même parcours (6-3-1) a permis à la France de remporter son groupe de qualification.

Il a ensuite fallu battre l'Estonie en match de barrages. Tout s'est joué à l'aller, avec une victoire 4-0 à l'extérieur. Le match retour à Dublin était alors presque une formalité, et s'est fini sur un nul, 1-1.

A partir du moment où l'Irlande est qualifiée, elle n'a plus rien à perdre, et jouera sa chance à fond. C'est une caractéristique du parcours irlandais à travers les compétitions. La qualification est rare (seulement trois Coupes du Monde et un seul Championnat d'Europe avant celui-ci), mais à chaque fois que l'Irlande peut participer, elle fait beaucoup mieux que son classement pourrait le laisser penser.

En 1988, pour sa seule participation à un Championnat d'Europe, l'Irlande se classe troisième de son groupe, avec une victoire contre l'Angleterre (qui faisait partie des favoris du tournoi), un nul et une défaite.

En 1990, première participation à une Coupe du Monde. L'Irlande tient en échec l'Angleterre et les Pays-Bas (1-1 à chaque fois), et se qualifie avec trois matchs nuls. L'équipe élimine ensuite la Roumaine en huitième, avant de perdre 1-0 en quart contre l'Italie à Rome.

L'Irlande est à nouveau qualifiée pour la Coupe du Monde en 1994. Elle se retrouve dans le groupe E (avec l'Italie, le Mexique et la Norvège). Ce groupe reste dans l'histoire de la Coupe du Monde comme étant le seul groupe à finir avec toutes les équipes à égalité avec une victoire, un nul et une défaite. L'Irlande se qualifie en 2e position, notamment grâce à sa victoire 1-0 sur l'Italie. Le parcours s'arrêtera en huitième, avec une défaite 2-0 contre les Pays-Bas.

Huit ans plus tard, l'Irlande retrouve une compétition internationale avec la Coupe du Monde 2002. L'équipe tient en échec le Cameroun et l'Allemagne (1-1 à chaque fois), et bat l'Arabie Saoudite 3-0 pour se qualifier en deuxième place. En huitième, l'Irlande donnera toutes les peines à l'Espagne (1-1 après prolongations), mais cèdera finalement aux tirs au but.

Dix ans plus tard, l'Irlande est de retour. Peut-elle poursuivre sa série de bons résultats obtenus à chaque participation ?

Ses derniers résultats laissent espérer que oui.

Depuis sa défaite contre la Russie, en octobre 2010, l'Irlande n'a perdu qu'un seul match encore une fois 3-2 à domicile, cette fois-ci contre l'Uruguay. C'était en mars 2011.

Entre ces deux rencontres, l'Irlande a joué quatre matchs, pour trois victoires et un nul. Au passage, elle marque dix buts, et n'en encaisse qu'un seul. Depuis l'Uruguay, douze matchs. Sept victoires (dont une victoire 2-0 en Italie), cinq nuls. Seize buts marqués, quatre encaissés.

Ce n'est pas un parcours de futur champion (sauf grosse surprise), mais ce n'est pas non plus le parcours d'une équipe éliminée au premier tour.

Allez l'Irlande !

vendredi 25 mai 2012

Un regard nouveau va entrer à l'Assemblée

Est-il normal que les Français qui ont fait le choix de vivre à l'étranger soit représentés à l'Assemblée Nationale ? La question s'est posée au moment du débat sur la réforme de la constitution française de juillet 2008.

Quatre ans plus tard, nous sommes en pleine campagne électorale, et les Français de l'étranger sont sur le point d'élire onze nouveaux députés. Habitant Dublin, je suis un électeur de la troisième circonscription des Français établis hors de France qui recouvre toute l'Europe du Nord, de l'Irlande et l'Islande à l'ouest jusqu'aux pays baltes et la Finlande à l'est.

Vus les candidats en lice dans ma circonscription, je pense que le parcours de beaucoup d'entre eux justifie a posteriori, et à lui seul, la création de ces onze circonscriptions. Je ne parle pas des programmes eux-mêmes (il y a de tout, du bon et du moins bon, comme à l'échelle nationale), mais bien des individus et de leurs expériences.

Un des principaux reproches que je fais à la politique en général, et aux débats français en particulier, est de ne regarder que vers l'intérieur, et de ne s'ouvrir que trop rarement et de façon trop superficielle. C'est notamment le cas avec la mode des "modèles" successifs (suédois, irlandais, allemand) qui ne sont jamais étudiés en profondeur.

Quiconque a beaucoup voyagé ou, encore mieux, vécu à l'étranger sait pourtant que l'expérience est très enrichissante, qu'ouverture sur l'autre ne veut pas dire négation de soi, et qu'au contraire la pluralité des épreuves et des pratiques permet de progresser.

Il est donc réjouissant de se dire qu'un parcours personnel un peu à part du député "de base" va probablement faire son entrée au Palais Bourbon.

Au choix, nous avons par exemple un normalien agrégé de philosophie travaillant à Londres pour la Banque Européenne de Reconstruction (Gaspard Koenig), une franco-canadienne ayant l'expérience du Parlement britannique auprès d’un député travailliste (Axelle Lemaire), une chef d'entreprise passée par le monde de la recherche (Emmanuelle Savarit), mais aussi vingt ans d'expérience de vie à l'étranger, au Japon puis au Royaume-Uni (Yannick Naud) ou encore une personne qui s'est montrée prête à se battre pour le pays, aussi bien en termes d'obtention de sa naturalisation que d'engagement dans les forces armées (Will Mael Nyamat).

Peut-on nier que de telles expériences, outre les programmes que chaque candidat défend, ne peuvent qu'être bénéfiques au débat parlementaire ? Leur parcours respectif les rend nécessairement porteur d'un message différent, habituellement peu entendu.

Bonne chance à tous les candidats, et vive la démocratie ! :)

mardi 22 mai 2012

Le vote unique transférable aux législatives

De la même manière que je l'avais fait pour le scrutin présidentielle avec le vote alternatif, je saisis l'opportunité de la campagne législative pour aborder la question du mode de scrutin pour cette élection à travers l'exemple irlandais.

Le principe est assez proche de celui du vote alternatif : au lieu de voter pour un seul candidat, on indique son candidat préféré, mais aussi son deuxième choix, son troisième choix, et ainsi de suite. La principale différence est que, au lieu d'élire une seule personne, il y a plusieurs sièges à pourvoir par circonscription.

Le nombre de voix à obtenir pour être élu est donc différent. Il ne faut plus 50% +1 voix, mais il faut atteindre une voix de plus que le total des suffrages exprimés divisé par le nombre de sièges à pourvoir plus un. (Cette formule est en fait une extension de la première)

Le décompte se déroule ensuite par décomptes successifs, selon la méthode suivante :
  1. Si un candidat a obtenu suffisamment de voix, il est élu.
  2. Si ce candidat a plus de voix que nécessaire, le surplus est transféré aux autres candidats en fonction des préférences indiquées sur les bulletins de vote.
  3. Si aucun nouveau candidat n'atteint le niveau suffisant pour être élu, le candidat ayant réuni le moins de suffrages est éliminé, et les voix qu'il a obtenu sont transférées.
  4. Le processus se répète jusqu'à ce qu'un vainqueur ait été déclaré pour chaque siège ou jusqu'à ce que le nombre de candidats restant en lice soit égal au nombre de sièges encore vacants.
A titre d'exemple, regardons les résultats de l'élection de 2007 dans la circonscription de Dublin-Central (où j'habitais à l'époque). Il y avait eu 34,639 suffrages exprimés, pour quatre sièges à pourvoir, et le quota à atteindre était donc de 6,928 voix. Le tableau ci-dessous résume les décomptes des voix. Les candidats y sont classés en fonction des suffrages reçus au premier décompte, et ceux qui ont été élus sont notés en gras.

Le "poids-lourd" de la circonscription était bien entendu Bertie Ahern, à l'époque encore Premier Ministre, et il a été élu dès le premier décompte, avec presque 6,000 voix de plus que le quota requis. On peut noter que, même il aspire presque toutes les voix de son parti en premier choix, le transfert s'effectue ensuite bien vers ses collègues, et Cyprian Brady est lui aussi élu, au huitième décompte. A l'inverse, Pascal Donohoe n'a que peu de soutiens et ne parvient pas à être élu malgré un bon score initial. (Pour l'anecdote, les choses ont bien changées lors des élections de 2011 : Donohoe a été le premier candidat élu, au deuxième décompte, et Brady éliminé avec seulement 1,753 voix au bout du cinquième décompte)


Candidat Parti Dcpt 1 Dcpt 2 Dcpt 3 Dcpt 4 Dcpt 5 Dcpt 6 Dcpt 7 Dcpt 8
Bertie Ahern Fianna Fáil 12,734






Tony Gregory Indépendant 4,649 5,453 5,622 6,062 6,799 7,385

Joe Costello Labour 4,353 4,793 4,870 5,028 5,809 6,073 6,205 8,018
Paschal Donohoe Fine Gael 3,302 3,441 3,548 3,600 3,896 4,147 4,216 4,556
Mary Lou Mcdonald Sinn Féin 3,182 3,471 3,519 3,744 3,948 4,120 4,178
Patricia McKenna Green Party 1,995 2,116 2,221 2,294



Mary Fitzpatrick Fianna Fáil 1,725 3,087 3,236 3,330 3,447


Cieran Perry Indépendant 952 1,058 1,133




Cyprian Brady Fianna Fáil 939 3,342 3,510 3,554 3,616 5,608 5,764 6,348
Paul O'Loughlin Christian Solidarity 260 269





Patrick Talbot Immigration Control 239 253





Jerry Hannon Progressive Democrats 193 226





Alan Beirne Fathers Rights 116 202







Ce type de scrutin permet une plus grande représentativité des tendances politiques présentes dans le pays. D'une certaine manière, le but est assez proche de celui qu'aurait l'introduction d'une dose de proportionnelle dans le système français mais ce type de scrutin a l'avantage de conserver l'ancrage local des élus, qui est perdu dans le cadre d'une proportionnelle au niveau national.

On peut noter que la "proportionnalité" du scrutin dépend du nombre de sièges par circonscription. Plus il est faible, plus il faut de voix pour être élu, et cela favorise nécessairement les gros partis. Cela ne leur a pas échappé, et il y a eu une tendance à augmenter le nombre de circonscriptions à trois sièges. Cela a été relevé dans un rapport parlementaire de 2010 qui, pour favoriser la pluralité, la parité hommes-femmes et la représentation des minorités, a recommandé que toutes les circonscriptions aient au minimum quatre sièges, sauf en cas de difficultés géographiques (qui rendraient la circonscription trop étendue). Suite au dernier redécoupage, il y a 17 circonscriptions avec trois sièges, 15 avec quatre sièges et 11 avec 5 sièges, pour un total de 166 députés.

Si la Ve République devait un jour être réformé, j'espère que la mise en place d'un scrutin de ce type serait étudiée.

jeudi 17 mai 2012

Réflexions sur l'homoparentalité

Je n'ai pas encore pris le temps de mettre en colonne de droite la liste des blogs que je lis avec assiduité. Il faut vraiment que je le fasse. Un des blogs que je suis depuis très longtemps (début 2006, de mémoire) est celui de Koz Toujours. Je ne suis pas toujours sur la même ligne, mais ses billets sont toujours intéressants à lire.

Je le suis aussi sur Twitter, où il a hier relayé un appel contre l'homoparentalité. Nous avons engagé le dialogue sur cette plateforme (j'ai regroupé la conversation ici si cela vous intéresse) mais le manque de place s'est rapidement fait sentir, et comme je comptais de toute façon poster quelque chose sur le sujet, je saisis l'occasion de le faire maintenant.

Il n'est pas surprenant que des personnes soient opposées à l'ouverture du mariage et/ou de l'adoption aux couples homosexuels. J'ai par contre parfois un peu mal à comprendre leurs arguments, comme c'est par exemple le cas de cet appel.

L'appel considère, et c'est la base de leur opposition, qu'avoir un père et une mère est un droit fondamental de l'enfant, et que l'homoparentalité constitue une discrimination. Plus qu'un droit, avoir un père et une mère serait même un besoin fondamental.

En quoi est-ce un besoin fondamental ? Qu'apporte un parent d'un sexe donné que l'autre sexe ignorerait et serait incapable d'offrir ? J'aimerais savoir. Si quelqu'un a la réponse, les commentaires sont ouverts.

Supposons un instant qu'il est essentiel d'avoir un père et un mère. Que fait-on des familles monoparentales ? Certes, ce n'est pas toujours un choix (j'ai vécu en tant qu'enfant un exemple forcé de cette configuration), mais il y aussi des femmes qui choisissent d'avoir un enfant seule. Difficile de savoir leur proportion parmi les mères célibataires, mais j'en connais plusieurs donc je suis au moins sûr d'une chose : elles existent. Faut-il leur interdire d'avoir un enfant ? Si on suit le raisonnement de l'appel, elles privent leur enfant d'un droit fondamental.

Que faire du droit à l'adoption pour les célibataires ? Eux aussi sont mal équipés pour répondre, selon les termes de l'appel, au besoin fondamental de leur enfant.

Voici ce que nous pouvons lire : "Cet appel vise à protéger les enfants contre la privation délibérée d’un père ou d’une mère, sans pour autant stigmatiser les personnes homosexuelles".

L'adoption par les célibataires est-elle une privation délibérée d'un père ou d'une mère ? Par définition oui, et il faut donc être cohérent. Il n'y a que deux options : avoir un père et une mère est indispensable, ou ne l'est pas.

On me répond que les choses peuvent se passer tout à fait bien dans une famille monoparentale, mais que cela n'en fait pas pour autant la meilleure possibilité. Cela mériterait de se pencher sur ce qui permet de hiérarchiser les structures familiales (sur quels critères, par exemple?), mais admettons que cela soit exact, et que la solution ne soit pas pas si bonne.
Elle est quand même assez bonne pour ne pas être remise en cause par l'appel.

L'appel prend le parti de se placer sur le terrain des valeurs, des droits fondamentaux. Je suppose donc que les choix ne sont pas purement stratégiques.
Peut-on donc en conclure que les rédacteurs et les signataires de l'appel acceptent le principe des familles monoparentales, notamment par choix (grossesse solitaire ou adoption) ?

L'adoption par une personne célibataire est légale, que la personne soit un homme ou une femme (même si en pratique le premier cas est largement plus rare). La société reconnait donc qu'être élevé par le représentant d'un seul genre est acceptable.

Si un parent seul peut élever un enfant de façon suffisamment bonne, sur quels critères peut-on dire donc que deux parents ne seraient pas à la hauteur ?

Prenons quatre cas : un couple hétérosexuel, un homme célibataire, une femme célibataire, un couple homosexuel.

Pourquoi le dernier cas est-il jugé inopportun ?
Ce n'est pas une question de nombre. Il y a deux personnes, comme dans le premier cas.
Ce n'est pas un question de genre. Il n'y a que des femmes, comme dans le troisième cas, ou que des hommes, comme le deuxième cas.
Quel est donc la seule différence ?

Quand on qualifie une structure familiale précise de droit fondamental, il faut assumer jusqu'au bout. L'appel n'a de sens que s'il rejette explicitement toute adoption qui n'est pas fondée sur le principe d'une famille avec un père et une mère. Cela serait peut-être moins populaire, mais cela serait plus cohérent.

Pour ma part, je pense qu'un enfant peut s'épanouir dans les quatre cas et, si on suppose que les futurs appels seront plus cohérents, c'est bien là que se situera le coeur du débat.

De quoi un enfant a-t-il besoin ? Je passe sur les besoins matériels (alimentation, etc.), car il est évident qu'aucun des quatre cas ne met l'enfant en difficulté sur ces questions. Un enfant a aussi besoin d'amour mais, là encore, il ne serait pas sérieux de penser qu'un des cas représente par nature un déficit affectif. L'autre élément essentiel est l'éducation (dans tous les sens du terme), mais pourquoi un parent d'un sexe donné serait forcément plus efficace qu'un parent du sexe opposé ?

Je lis aussi parfois que l'homoparentalité n'est pas légitime, car elle n'est pas naturelle. Deux femmes ne peuvent pas avoir d'enfant ensemble, et elles ne devraient donc pas avoir le droit d'en élever un ensemble.

C'est faire un raccourci entre la nature et l'organisation de nos sociétés. S'il s'agit vraiment d'invoquer la loi naturelle, regardons par exemple les animaux, et les nombreux exemples où les jeunes sont élevés par des groupes de femelles. Procréation et éducation sont strictement séparées, et cela ne semble pas perturber leur développement.
On en viendrait presque à regretter que les lionnes ne couchent pas ensemble, pour en finir avec les doutes sur l'homoparentalité.

mardi 15 mai 2012

Liste des candidats de notre circonscription

La liste des candidats à l'élection législative pour la troisième circonscription des français établis hors de France (qui regroupe Danemark, Estonie, Finlande, Irlande, Islande, Lettonie, Lituanie, Norvège, Royaume-Uni et Suède) a été publiée au Journal Officiel.

A partir de cette liste et des informations que j'ai pu trouvées sur Internet, j'ai réalisé le tableau suivant, avec les sites de campagne et comptes Twitter de tous les candidats (donnés ci-dessous dans l'ordre de publication au Journal Officiel).


Candidat Formation politique Site Internet Compte Twitter
Guy Le Guezennec Front National Absent Absent
Lucile Jamet Front de Gauche Absent Absent
Jérôme de Lavenère Lussan Indépendant Lien @jlussan2012
Denys Dhiver Parti Chrétien-Démocrate, France-Ecologie Lien @DenysDhiver
Bertrand Larmoyer Indépendant (?) Absent Absent
Ezella Sahraoui Parti Radical de Gauche Lien @EzellaSahraoui
Emmanuelle Savarit Union pour un Mouvement Populaire Lien @Savarit2012
Christophe Schermesser Parti Fédéraliste Européen Lien @CSchermesser
Anne-Marie Wolfsohn Indépendante Lien @amwolfsohn
Axelle Lemaire Parti Socialiste Lien @axellelemaire
Marie-Claire Sparrow Rassemblement des Français de l'Etranger Lien @mcsparrowuk
Patrick Kaboza Indépendant (?) Absent Absent
Olivier Bertin Europe Ecologie - Les Verts Lien Absent
Aberzack Boulariah Indépendant Lien @ABoulariah
Olivier Cadic Alliance Centriste Lien @OlivierCadic
Olivier de Chazeaux Alliance Républicaine, Ecologiste et Sociale Lien @o_deChazeaux
Gaspard Koenig Parti Libéral Démocrate Lien @Gaspard2012
Yannick Naud Mouvement Démocrate Lien @yannicknaud
Will Mael Nyamat Indépendant Lien @Nyamat2012
Edith Tixier Solidarité et Progrès Absent Absent


Certaines informations sont manquantes. N'hésitez pas à me les indiquer en commentaire ci-dessous si vous en avez connaissance ou si vous remarquez des erreurs. Je ferai en sorte de mettre le tableau à jour.

Pour suivre la campagne sur Twitter, le hashtag officiel de notre circonscription est #EXTcirco03. Il y a déjà une certaine activité, et cela va probablement s'accentuer pendant la campagne étant donné l'éparpillement géographique de la circonscription.

jeudi 10 mai 2012

L'impôt sur les sociétés

Cela fait des années que je vis à l'étranger, et mon temps s'est divisé entre deux pays que j'aime beaucoup, Irlande et Japon. Du coup, j'ai tendance à rapidement désespérer quand les médias français parlent de ces pays, car ils tombent souvent dans la caricature ou les approximations. C'est sans doute le cas pour beaucoup d'autres sujets, mais comme ces pays me tiennent à coeur, je le remarque plus.

Les reportages sur le Japon se limitent trop souvent à l'actualité nucléaire ces temps-ci, ou depuis toujours sur des phénomènes marginaux (cosplay, gadgets loufoques et autres). Avec l'Irlande, maintenant que la situation au Nord de l'ile se calme, on ne parle guère du pays que pour critiquer sa taxation des entreprises.

Est-elle si choquante ?

Vu de France, il pourrait sembler qu'il n'y a qu'un seul taux pour l'impôt sur les sociétés, fixé à 12.5%. Il y en a en fait un deuxième, à 25%. Pour certaines entreprises (principalement financières) il y a eu par le passé un taux à 10% mais il a été supprimé. Je vous laisse regarder les détails si cela vous intéresse, mais il est à mon avis plus intéressant de prendre un peu de recul.

L'Irlande peut-elle être sincèrement accuser de faire du "dumping" à cause de ce taux de 12.5% ? Ce taux représente-t-il une concurrence déloyale, notamment vis-à-vis de la France ?

Regardons du coté du CAC40. L'été dernier, les journaux ont beaucoup parlé d'un rapport parlementaire traitant de la fiscalité de ces grandes entreprises. Non seulement les entreprises du CAC40 ne payent en moyenne qu'environ 8% d'impôts mais, si on enlève quatre entreprises qui acquittent à elles seules 40% du total payé par l'ensemble (EDF, GDF, France Telecom, Renault), le niveau moyen d'imposition des autres tombe à 3.3%. A priori pas de quoi les faire fuir en Irlande...

Il se trouve qu'un des projets du Président nouvellement élu est de réformer l'impôt sur les sociétés. Le taux ne serait plus de 33.3% pour tous, mais de 35% pour les grandes entreprises (qui s'arrangent de toute façon pour ne pas trop payer, comme nous venons de le rappeler), 30% pour les PME, et seulement 15% pour les TPE. On peut noter que ce dernier taux n'est pas loin du taux irlandais parfois présenté comme honteux par certains.

Il est intéressant de regarder les chiffres officiels de l'OCDE. Si le taux de prélèvement par rapport au PIB est en effet plus élevé en France (44.2% en 2006) qu'en Irlande (31.9%), la différence ne vient pas de l’impôt sur les sociétés. Il est même plus rentable en Irlande (3.8% du PIB) qu'il ne l'est en France (3.0%).

Il serait donc grand temps d'arrêter de se focaliser sur cette question d'imposition des sociétés en Irlande, et de se rendre compte que le pays a bien d'autres atouts qui expliquent l'attrait qu'il a sur les grandes multinationales qui y implantent leurs sièges européens.

mardi 8 mai 2012

Résultats du second tour

Après le premier tour, j'avais posté une analyse du vote des français résidant à l'étranger. Pour être complet, voici donc les résultats du second tour.

Candidat Score en Irlande Score à l'étranger France entière
F. Hollande 59.22 % 46.95 % 51.63 %
N. Sarkozy 40.78 % 53.05 % 48.37 %
Participation 37.74 % (*) 42.18 % 80.35 %


Pour l'Irlande seuls les suffrages exprimés sont donnés par l'Ambassade (et indiqués dans le tableau), donc je n'ai pas la participation exacte. Si on suppose que le nombre de bulletins blancs est dans les mêmes proportions que sur le reste des circonscriptions de l'étranger, la participation réelle est sans doute aux alentours de 38.25%.

On peut noter trois différences importantes :
  • Le vote blanc est plus faible chez les français de l'étranger.
  • Nicolas Sarkozy réalise un très bon score auprès de cet électorat en général.
  • Mais pas du tout en Irlande.

Je pense que le faible vote blanc s'explique par la difficulté à aller voter. Quand aller à l'Ambassade peut prendre jusqu'à plusieurs heures, il est plus rare de se donner la peine d'y aller pour exprimer un refus de choisir entre deux candidats.

Le bon score de Nicolas Sarkozy est sans doute lié à son action sur la scène internationale, qui est régulièrement citée comme un des points forts de son quinquennat. L'UMP a aussi fait campagne auprès des français de l'étranger sur ce que leur couterait une élection de Hollande, et cela a peut-être aussi joué. Il est amusant de noter que ce score (53.05%) est quasiment identique à celui qu'il avait obtenu cinq ans plus tôt (53.06%).

L'Irlande est un cas à part, aussi bien par rapport au total des français de l'étranger qu'au sein de la 3e circonscription (Irlande, Royaume-Uni, Danemark, Estonie, Finlande, Islande, Lettonie, Lituanie, Norvège, Suède), dans laquelle Hollande a un avantage plus proche du score national avec 53.10%. Je n'ai pas eu l'occasion d'en discuter avec d'autres français établis en Irlande mais si je devais proposer une explication, je dirais que la crise y est pour beaucoup. Le pays fait partie de ceux que la majorité sortante a souvent pointé du doigt (alors que la situation est très différente de la Grèce, par exemple) et, à l'inverse, la perspective d'une renégociation du traité était plutôt positivement accueillie par les médias et partis politiques locaux.

En tout cas, cela promet une bataille intéressante pour les législatives. D'ailleurs, en parlant de ce scrutin, je termine par deux petites remarques :
  • L'AFP a communiqué la liste des hashtags pour suivre l'actualité Twitter des différentes circonscriptions. Pour la 3e circonscription de l'étranger, c'est #EXTcirco03.
  • Comme pour la présidentielle, le mode de scrutin des législatives irlandaises est différent, et très intéressant. J'y reviendrai plus tard.

Sources :

samedi 5 mai 2012

Présidentielle, le vote alternatif

Maintenant que la campagne du second tour est officiellement terminée, et en attendant les résultats et le bilan de l'élection, je propose que nous nous posions la question du mode de scrutin.

Le fonctionnement est assez connu. Il suffit (à quelques conditions supplémentaires près) d'être majeur, d'être inscrit sur les listes électorales et de recueillir 500 parrainages d'élus (parmi environ 42,000 parrains potentiels) pour être candidat en France. Un premier tour est organisé entre tous les candidats,  les deux premiers sont sélectionnés pour le second tour, et celui qui obtient alors la majorité des suffrages exprimés est élu Président.

Toutes les élections présidentielles ne fonctionnent pourtant pas pareil. Après la France, je n'ai vécu que dans deux autres pays, et le Japon a un Empereur. Je vais donc m'attarder quelques instants sur le système irlandais. Il n'est pas forcément parfait, mais il est certainement intéressant.

Pour être candidat en Irlande, il faut avoir au moins 35 ans, et il faut ici recueillir des parrainages, mais les soutiens potentiels sont plus rares. Il faut, au choix :
  • réunir 20 soutiens de parlementaires (sur les 226 députés et sénateurs), ou
  • être soutenus par quatre assemblées locales (villes ou comtés, sur un total de 34), ou
  • avoir été déjà Président.
Le poste étant avant tout honorifique (j'y reviendrais dans un futur billet), il arrive qu'il n'y ait qu'un seul candidat. C'était le cas en 2004 quand Mary McAleese, seule candidate à sa succession, a été directement réélue pour son second septennat.

Lorsque l'élection a lieu, elle est organisé sur le mode du "vote alternatif", qui s'organise en un seul tour. Au lieu de choisir un bulletin au nom de leur candidat préféré, chaque électeur a une grille avec la liste des candidats et peut choisir celui qu'il préfère mais aussi indiquer son 2e choix, son 3e choix, et ainsi de suite.

Forcément, cela complique le décompte des voix. Dans un premier temps, tous les premiers choix sont comptés. Si un candidat obtient la majorité des voix, il est élu. Sinon, le candidat en dernière place est éliminé, et tous ses bulletins sont répartis entre les autres candidats en fonction du deuxième choix indiqué sur la carte de vote. Si un électeur n'a pas indiqué de deuxième choix, le bulletin n'est plus compté. Si, avec le nouveau total, un candidat a maintenant la majorité des voix, il est élu. Sinon, on répète le même procédé autant de fois que nécessaire.

Une des particularités de ce type de scrutin est que le candidat arrivé en tête après le premier décompte n'est pas forcément élu. C'est celui qui arrive à faire le plus large consensus, et donc à attirer les votes alternatifs,  qui est le mieux placé pour l'emporter au final. Dans un sens, c'est donc assez proche de la dynamique d'un deuxième tour en France, la campagne d'entre deux tours en moins.

Un tel scénario se produit en 1990, alors qu'il y avait trois candidats. Après le premier décompte, Brian Lenihan était en tête avec 43.8% des voix, suivi de Mary Robinson (38.9%) et Austin Currie (16.9%). Malheureusement pour lui, la majorité des voix du troisième sont allées vers la seconde. Au décompte suivant, Mary Robinson a été élue avec 51.6%, contre 46.2% pour Brian Lenihan et 2.2% de bulletins non réalloués.

Lors de la dernière élection, en 2011, il y avait sept candidats. Au quatrième décompte, Michael D. Higgins a été élu Président. Il était arrivé en tête à chaque étape, après avoir totalisé 39.6% des premiers choix.

Je trouve ce système très intéressant. Il évite par exemple de se retrouver dans une situation "à la 2002", où le candidat qui semblait le mieux placé pour gagner le second tour et devenir Président n'a finalement même pas pu y participer après être arrivé en troisième place au premier tour. Par conséquent, il évite aussi tous les messages appelant au vote "utile", et reflète donc mieux la véritable opinion du corps électoral dans son ensemble.

La France (ou au minimum son système médiatique) semble attachée au duel de deuxième tour, et je ne pense pas que le vote alternatif sera utilisé dans un futur proche, mais j'y serais pour ma part assez favorable.
Qu'en pensez-vous ?

(Si ce billet vous a intéressé, je vous conseille son pendant législatif, sur le vote unique transférable.)

jeudi 3 mai 2012

Quel débat la prochaine fois ?

Comme je le suggérais dans mon précédent post, je pense qu'une des nouveautés de ce débat présidentiel version 2012 est la vérification en direct des chiffres donnés par les candidats. Étant donné leur débit, c'est un bel exploit : pendant le débat Nicolas Sarkozy et François Hollande ont respectivement partagé 92 et 45 chiffres. Puisque leur temps de parole a été de 72 minutes et quelques secondes pour chaque, cela donne un chiffre toutes les 47 secondes pour le premier et un toutes les 1 minute et 36 secondes pour le second !

Plusieurs médias s'y sont collés. J'ai par exemple suivi le flux Twitter du Véritomètre de i-Télé et OWNI. Pour presque tous les chiffres annoncés, quelques minutes au plus après la déclaration, on pouvait lire un verdict (correct, incorrect ou imprécis) avec un lien vers le chiffre exact et la source de cette information. Très utile !

D'autres médias ont fait un effort similaire, que ce soit en direct ou après le débat. La liste est relativement longue, mais on peut par exemple citer les Décodeurs (Le Monde), le Détecteur de Mensonges (Journal du Dimanche) ou encore le Contrôle Technique (Rue89).

Mon principal reproche est que seule une minorité d'électeurs vont avoir accès à ses vérifications et que, paradoxalement, un bon nombre d'entre eux sont ceux qui se seraient donnés la peine d'aller chercher les bons chiffres.

Ce n'est bien sûr pas de la faute des journalistes, mais il serait quand même judicieux de trouver une solution pour faciliter l'accès du plus grand nombre à ces informations. Une possibilité serait d'insérer en bas d'écran la validation des chiffres au fur et à mesure du débat. C'est une première étape, qui ne peut toutefois pas donner satisfaction sur le long terme. Tout d'abord parce que les chiffres défilent trop vite pour que l'affichage puisse suivre. Un décalage de quelques minutes pourraient suffire à déstabiliser les téléspectateurs. L'autre problème est que cela ne met pas l'homme ou la femme politique face à ses contradictions.

Prenons un autre exemple, et le débat entre Nathalie Kosciusko-Morizet et Jérôme Cahuzac lors de l'émission Mots Croisés du 30 avril. Je pense qu'en regardant avec un œil neutre, on peut dire que la première a remporté le débat (au minimum en terme de perception) mais je ne suis pas certain que la bataille des chiffres ne pencherait pas dans l'autre sens. Ce qui m'a surtout frappé, c'est que Nathalie Kosciusko-Morizet a plusieurs fois fait référence à la réforme de la carte militaire et aux économies que cela a permis. Pourtant, selon elle, la réduction des dépenses n'est que (de mémoire) de 350 millions d'euros. Ce n'est pas négligeable, bien sûr, mais une des grandes spécialités de la campagne, à droite, a été de moquer toute proposition de la gauche qui ne faisait pas économiser au minimum plusieurs milliards, sur le mode du "holaaa, ce n'est pas avec ça que vous allez réduire les déficits". Je m'étonne que personne (ni Jérôme Cahuzac ni les journalistes) n'aient fait une remarque là-dessus. Cela aurait pourtant pu changer le cours du débat.

Je pense que cela est dû à une véritable faiblesse du direct, qui permet de faire croire à peu près tout et n'importe quoi, pourvu qu'on y mette le ton juste. Pourquoi ne pas changer un peu ces règles ?

Imaginons un débat divisé entre plusieurs thèmes, pour lesquels chaque candidat a un temps de parole fixe, par exemple 5 minutes, que les journalistes font fermement respecter (pas comme hier où ils se faisaient régulièrement marcher sur les pieds). Ce débat n'est pas diffusé en direct, mais est enregistré, par exemple la veille de la diffusion.

Dès l'enregistrement terminé, le "fact checking" commence, et tout est vérifié et sourcé par des journalistes dont le choix a été approuvé par les deux candidats (pour qu'il n'y ait pas de soupçons de favoritisme envers l'un ou l'autre). Le jour de la diffusion, les candidats sont présents sur le plateau pour une émission en direct. La vidéo (sans coupure) de chaque thème est diffusé individuellement. Après chaque vidéo, les journalistes font le résumé de leur vérification des propos (3 minutes environ), et redonnent la parole aux deux candidats pour répondre aux remarques et poursuivre le débat, cette fois-ci en direct donc, avec par exemple une limite de 3 minutes chacun. On aurait donc 20 minutes par thème avec "fact checking" inclus. Qui dit mieux ?

On traite cinq thèmes par émission (pour une durée totale d'environ deux heures en comptant de brèves introduction et conclusion), et on répète le procédé à intervalles réguliers (par exemple une fois par trimestre en "période creuse", une fois par mois en période pré-électorale, et une ou deux fois entre les deux tours de la présidentielle).

Bien sûr, pour éviter tout soupçon de montage défavorable, l'intégralité de la partie enregistrée serait mise en ligne et accessible dès la fin du direct sur le site de l'émission, qui listerait aussi les sources utilisées par les journalistes.

Il est évident qu'un tel dispositif est contraignant, mais vu tout ce qui était mis en place pour le débat d'hier (aussi bien pour l'émission elle-même que pour tout le dispositif autour, avant et après), cela ne me semble pas irréalisable.

Il y a deux gros risques avec ce genre d'émission. Le premier est la langue de bois, la peur de se retrouver pris en flagrant délit de mauvaise foi (ou de mauvaise maitrise des dossiers). Pour ne pas être pris en défaut, les politiques ne citeraient plus aucun chiffre, et tenteraient de rester le plus vague possible. Ce serait envisageable dans un face-à-face avec un journaliste, mais dans un débat, je pense que l'adversaire arriverait à débloquer la situation en mettant l'accent sur le manque de clarté de celui ne venant pas étayer son propos.

L'autre risque est que la politique en sorte diminuée, du fait des approximations et petits arrangements avec la vérité. Je ne suis pas inquiet, au contraire. Les scores du Véritomètre montrent que la situation actuelle n'est pas désespérée, et mettre l'accent sur la vérification systématique des propos ne peut que favoriser l'amélioration du contenu des déclarations. Il y aurait sans doute des moments difficiles à passer pour certains lors des premières émissions, mais si un tel système était mis en place suffisamment loin des échéances électorales, je suis certain que tout le monde prendrait le pli et aurait le temps de regagner tout crédit temporairement perdu.

Alors, on s'y jette ?
Avouez que cela nous donnerait surement une belle campagne en 2017 !

Mon bilan du débat

Ça y est, le débat est derrière nous. Il a été long (presque trois heures), il a été plutôt rude, et tout le monde se demande maintenant si il changera quelque chose au résultat final. Une autre activité de ce matin est de décrypter les petites phrases, de vérifier les chiffres. J'y reviendrai dans un prochain billet.

Si je devais faire un pronostic, je dirais que le débat n'aura pas changé grand chose.

François Hollande a sans doute froissé de nombreux écologistes quand il a parlé de l'accord avec EELV et des centrales nucléaires, mais ceux-ci sont suffisamment opposés à l'actuel Président pour quand même aller voter Hollande. Les tensions ressurgiront plus tard.

De son coté, Nicolas Sarkozy a probablement gagné quelques voix très à droite avec le passage sur le vote des étrangers, mais ce genre d'amalgame lui en a probablement couté autant au centre, et je ne pense pas que le solde soit positif.

Ce passage mérite d'ailleurs qu'on s'y attarde. J'aimerais le qualifier de dérapage, mais je pense qu'il était malheureusement planifié, (il suffit par exemple de regarder du coté du dernier clip de campagne et du panneau douane écrit en arabe, comme par hasard). Le glissement est net. Il ne parle plus de vote des étrangers, mais de vote communautariste de musulmans. Apparemment, tous les étrangers viennent d'Afrique du Nord, et tous sont croyants. Pas d'athées, pas d'immigration asiatique (par exemple), et surtout pas d'individus capables de raisonner par eux-mêmes et de faire des choix en fonction de l'intérêt général. Non, dans les propos de Nicolas Sarkozy, l'étranger est un dangereux musulman, et il ne faut donc pas lui donner le droit de vote. Au passage les français de confession musulmane ont dû apprécier...

Le plus ridicule dans cette argumentation est de finir en disant qu'un étranger présent sur le territoire depuis plusieurs années n'a qu'à demander la nationalité française. Je voudrais bien qu'on m'explique en comment cela ferait disparaitre le risque communautariste agité plus tôt dans la conversation. Soit on considère qu'un résident étranger est suffisamment intégré pour avoir le droit de vote sans que cela ne pose de risque, soit on assume la vision contraire jusqu'au bout, et on ne lui donne pas la nationalité (qui implique le droit de vote).

Selon les chiffres de l'INSEE, il y a presque 600,000 portugais en France. Il y a aussi 650,000 marocains, mais apparemment selon Nicolas Sarkozy ces derniers seraient beaucoup plus inquiétants. Pourtant, on pourrait dire que portugais, irlandais et polonais sont très croyants (quitte à généraliser, allons-y), et assez nombreux en France. Sur ces trois pays, deux n'ont pas légalisé l'avortement, et le Portugal ne l'a fait qu'en 2007. Il ne me semble pas avoir entendu dire que donner le droit de vote à ces étrangers-là risquait d'entrainer une dérive communautaire et par exemple une remise en cause du droit à l'avortement en France. On constatera d'ailleurs qu'ils ont le droit de vote (merci l'Europe!) et que cela n'a pas posé de problème.

Je ne suis pas spécialement un fan de François Hollande (je suis neutre vis-à-vis de l'individu et partagé sur le programme), et je n'attends pas forcément des merveilles de son probable quinquennat, à part sur quelques points précis comme le mariage pour tous. Une chose est claire, par contre. Il est absolument certain que je ne voterai pas pour quelqu'un qui tient des propos tels que ceux de Nicolas Sarkozy sur les étrangers. Comme je l'ai dit sur Twitter, je garde espoir que cette campagne d'entre deux tours ne reflète pas la réelle vision de la majorité des hommes et femmes politiques de droite mais en attendant d'y voir plus clair, il faut bien faire un choix.